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      Monsieur le président,

Ce que je demande avant tout au sortir de la crise est que l’on cesse de maltraiter et mal considérer ceux qui nous soignent, à commencer par les médecins. Qu’on cesse de les faire souffrir d’atroces contradictions et qu’on leur permette d’exercer leur métier comme il se doit, c’est-à-dire comme un art et non comme une technique au service des puissants.
Ils ne sont pas de pions sur l’échiquier, de braves soldats, ou rois, ou reines, ils sont des personnes sensibles, formées et dévouées au service du vivant.

Je demande en premier lieu que cesse cette sélection mortifère par les mathématiques à l’entrée en médecine. Oui nous avons besoin des sciences pour exercer en conscience une médecine moderne et non basée sur le seul sentiment qui, on l’a vu souvent, pet être en prise avec des interprétations fausses. Oui, nous avons besoin de l’objectivité. Mais pas seulement. Il y a toutes sortes de gens à soigner, qu’il faut pouvoir aborder de toutes sortes de façons et les médecins doivent être le reflet de cette diversité humaine. Pourquoi pas des médecins-poètes ? Des médecins-musiciens ? Des médecins Bricoleurs ? Des médecins écrivains ? Il y en a certes. Mais surtout il y en a eu. Je pense à Tchekov. Qui abordent l’humain par un autre angle. Il n’y a pas lieu de mettre en opposition ces différentes manières de voir. Ou alors seulement à la manière du pouce et des autres doigts pour saisir l’objet. Ou des yeux pour saisir le relief. Travailler ensemble à la même chose par des moyens différents. Certains le font déjà, mais ils sont marginaux. Être complémentaires. Sans se défier. Ça devrait être la norme. Il conviendrait de les mettre ensemble, ces différents « profils » comme on dit aujourd’hui et ne pas faire de clones. Ne pas mettre dès le départ ceux-là de côté au profit de ceux-ci. Que serait l’habilité d’une main qui n’aurait qu’un index ? Ou bien qu’un pouce ? Sélectionné parce qu’on aurait jugé que c’était le meilleur ?

Mais non seulement cela ; je voudrais que cesse pendant les études de ces valeureux, courageux jeunes gens qui arrivent à se plier aux règles pour arriver à leur fin : être au service des gens. Je voudrais que cesse l’agression de leur activité pensante par l’intrusion permanente de QCM. Cette invention de chiens savants qui est une meurtrissure pour la capacité d’une pensée saine. Ils ont besoin des bases d’une connaissance solide et complète. Mais on l’a vu, pas seulement. Ils ont besoin aussi, comme chacun, d’entre nous mais à leur niveau, d’une façon plus intense, d’être capable d’analyser seuls un cas dans leur cabinet et d’avoir un cerveau capable de chercher, de questionner, de recouper, d’associer librement pour que l’intuition, cette part belle et cachée de la science, ne soit pas mise au rebut au moment de choisir par où commencer et ce qui est important.
Nous sommes plus performants que les machines que nous inventons car nous sommes sensibles.
Faire un usage constant et intelligent de cette sensibilité est un gage de progrès. Cessons de leur couper les ailes. Permettons-leur de penser par eux-mêmes comme aux plus belles heures de la transmission, avec un bel enthousiasme intellectuel et humain communicatif, et vous aurez à nouveau et rapidement une médecine d’excellence car beaucoup de nos jeunes ont l’esprit vif et motivé.

Une chose encore. Pour ne dire que l’essentiel, cessons à d’autre endroits de scinder les domaines. On le sait, on le voit, bien souvent un malheur n’arrive pas sans l’autre et la misère s’abat souvent par tous les bouts. Sociale, familiale, médicale, psychique. Aidons les hommes à prendre levier sur les difficultés pour se remettre debout.
Il y a pour ça des gens compétents dans quantité de centres de soin qui sont empêchés de travailler depuis quelques années par des harcèlements administratifs qui les détournent de leurs compétences. Il a été nommé à la tête de nombres de ces centres, comme à la tête des hôpitaux, des administratifs qui n’ont en tête que de gérer. La vie ne se gère pas comme un fond de commerce. Elle a ses propres lois qu’il convient de connaitre et de respecter.
Là comme ailleurs, mais avant tout là, dans la médecine qui est un des plus beaux leviers de retournement de l’homme, si elle est exercée comme il se doit, en conscience. Il faut redonner aux hommes et aux femmes de l’art les moyens d’exercer leur talent.

 

 

 

J’espère être entendue.
Au Pré. Le 18 avril 2020
Nathalie Picard. Kinésithérapeute et poète.