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-1-

Au souk d’Aribeh

Ce matin

Je ne sais où accrocher ma tête

Si jamais je la retrouvais

Entre les pieds ou dans les cageots de fruits

 

Seules les petites chaussures

Courent derrière

Le marchand de bonbons

 

Ils marchaient main dans la main

Un moment

Leurs doigts étaient noués

Elle ne garde dans sa main que les doigts de l’autre

 

Qui parle de massacre ?

Je ne vois que des grappes rouges

Qui pendent d’une treille qu’on appelle ciel

Et cette dame

D’une beauté d’opéra

Hébétée

Tragique

Grande comédienne

Dans un théâtre de chimères improvisé

Elle court derrière une tête humaine

Qui vole

 

-2-

Ouvrez les yeux de vos bas-fonds

Et les orbites de vos ténèbres

Vous verrez comment les peuples

Le relief

Et le tombes

Vacillent dans le temple

De l’humanité qui tremble chaque jour

 

Regardez ce bleu ciel

Qui a déteint sur le lieu et les hommes

Un bleu

Qui ne ressemble pas à l’azur des plages

Ni à la turquoise des colliers

Ni aux chapelets des croyants

Ne vous méprenez pas

Ce que vous voyez n’est pas une couleur

Le rouge n’es plus une couleur

Il coagule vite

Il ébranle sur son chemin

Tout ce qui est alentour

Il vous semble rouge seulement

Parce que vous le voyez à travers les trous de ces torchons

Que vous appelez corps

 

Ramassez ces corps déchiquetés, surtout les pupilles

Sur leur cristallin on peut voir

Les images des paradis dont vous avez tellement rêvé

Quand aux entrailles

Vous n’y pourrez rien

Elles resteront affamées

Et les membres

Oui ces bras et ces jambes qui s’élèvent

Comme des oiseaux dans un ultime envol

Regardez comment ils se préparent

A se présenter

Et à tendre timidement la main à leur Dieu

 

Et vous ?

Vous n’irez pas à vos lits ce soir

Sans passer

Par tous les abécédaires

Les dictionnaires et les annuaires

D’où vous effacerez vos noms

 

-3-

Les éboueurs sont plus utiles que moi

Ils peinent à ramasser les cadavres

Ou du moins ce qu’il en reste

Moi j’écris

 

Les passants pressent le pas pour vaquer à leurs affaires

Ils se prennent les pieds dans les fruits et les entrailles écrasées

Un aveugle écarte de sa canne la tête d’une fillette

Qui lui barre le chemin

Moi j’écris

 

La religion est une ceinture explosive

Moi j’écris

 

Les journaux passent directement

Des rotatives

Aux poubelles

Moi j’écris

 

L’unique enfant rescapé

Porte des chaussures tachées de sang

Pour aller à l’école

Moi j’écris

 

Les maisons qui ne pouvaient contenir tous les enfants

Sont devenues spacieuses et aérées

Moi j’écris

 

Ce sont des insectes géants

Qui sortent de nos vieux cimetiières

Moi j’écris

 

La carte de l’Irak a gagné le prix

Du cercueil surréaliste

Moi j’écris

 

Je n’ai rien à voir avec « la Création »

Ni avec « la Résurrection »

Moi j’écris

 

Ma page blanche est noire

Mon encre noire est pareille à mon silence

Moi j’écris

 

Assez

Assez

Moi j’écris ma mort

 

Mascate; Oman, 15 mai 2016

CHAWKI ABDELAMIR

Traduit de l’arabe par Mohamed Kacimi

 

 

 

 

-1-

Au souk d’Aribeh

Ce matin

Je ne sais où accrocher ma tête

Si jamais je la retrouvais

Entre les pieds ou dans les cageots de fruits

Seules les petites chaussures

Courent derrière

Le marchand de bonbons

Ils marchaient main dans la main

Un moment

Leurs doigts étaient noués

Elle ne garde dans sa main que les doigts de l’autre

Qui parle de massacre ?

Je ne vois que des grappes rouges

Qui pendent d’une treille qu’on appelle ciel

Et cette dame

D’une beauté d’opéra

Hébétée

Tragique

Grande comédienne

Dans un théâtre de chimères improvisé

Elle court derrière une tête humaine

Qui vole

-2-

Ouvrez les yeux de vos bas-fonds

Et les orbites de vos ténèbres

Vous verrez comment les peuples

Le relief

Et le tombes

Vacillent dans le temple

De l’humanité qui tremble chaque jour

Regardez ce bleu ciel

Qui a déteint sur le lieu et les hommes

Un bleu

Qui ne ressemble pas à l’azur des plages

Ni à la turquoise des colliers

Ni aux chapelets des croyants

Ne vous méprenez pas

Ce que vous voyez n’est pas une couleur

Le rouge n’es plus une couleur

Il coagule vite

Il ébranle sur son chemin

Tout ce qui est alentour

Il vous semble rouge seulement

Parce que vous le voyez à travers les trous de ces torchons

Que vous appelez corps

Ramassez ces corps déchiquetés, surtout les pupilles

Sur leur cristallin on peut voir

Les images des paradis dont vous avez tellement rêvé

Quand aux entrailles

Vous n’y pourrez rien

Elles resteront affamées

Et les membres

Oui ces bras et ces jambes qui s’élèvent

Comme des oiseaux dans un ultime envol

Regardez comment ils se préparent

A se présenter

Et à tendre timidement la main à leur Dieu

Et vous ?

Vous n’irez pas à vos lits ce soir

Sans passer

Par tous les abécédaires

Les dictionnaires et les annuaires

D’où vous effacerez vos noms

-3-

Les éboueurs sont plus utiles que moi

Ils peinent à ramasser les cadavres

Ou du moins ce qu’il en reste

Moi j’écris

Les passants pressent le pas pour vaquer à leurs affaires

Ils se prennent les pieds dans les fruits et les entrailles écrasées

Un aveugle écarte de sa canne la tête d’une fillette

Qui lui barre le chemin

Moi j’écris

La religion est une ceinture explosive

Moi j’écris

Les journaux passent directement

Des rotatives

Aux poubelles

Moi j’écris

L’unique enfant rescapé

Porte des chaussures tachées de sang

Pour aller à l’école

Moi j’écris

Les maisons qui ne pouvaient contenir tous les enfants

Sont devenues spacieuses et aérées

Moi j’écris

Ce sont des insectes géants

Qui sortent de nos vieux cimetiières

Moi j’écris

La carte de l’Irak a gagné le prix

Du cercueil surréaliste

Moi j’écris

Je n’ai rien à voir avec « la Création »

Ni avec « la Résurrection »

Moi j’écris

Ma page blanche est noire

Mon encre noire est pareille à mon silence

Moi j’écris

Assez

Assez

Moi j’écris ma mort

Mascate; Oman, 15 mai 2016

CHAWKI ABDELAMIR

Traduit de l’arabe par Mohamed Kacimi