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J’ai une foi profonde dans la poésie. Je veux dire par là : une certaine façon d’être avec la parole, avec une grande force et en toute humilité. De la même façon que nous sommes dans la vie lorsque nous soignons.

 

Il faut admettre que nous ne sommes pas tout puissants quand nous accompagnons les gens et que même lorsque nous sommes totalement impuissants nous avons encore la force ou le courage, la nécessité intérieure ou l’amour suffisant, l’obstination, le devoir moral ou la foi, selon comment on nomme ce qui nous habite lorsque l’on va au-delà de nous-même.

 

Ce que j’imagine est un au-delà du soin ; comme la métaphysique est au-delà de la physique. Panser les plaies de la médecine. Remettre du sens partout où il a été, par la machine à couper des ailes, enlevé. Avec le même mélange d’intérêt et de désintéressement que lorsque l’on soigne.

 

Je me suis longtemps efforcée de mettre la poésie sur la place publique (lors des vides-greniers notamment) car j’ai eu un jour la vision — l’intuition — que là était la place de la poésie : au milieu des gens.

Aujourd’hui je la vois — et vous m’y appelez, je vous ai prise au mot— au sein des structures de soins. Initier, là où est souvent établie la règle du “blindage“, un regard qui nous défait de nos carcans sans nous fragiliser. Cultiver une manière d’être, à la fois forte et sensible, que nous permet la poésie. Instaurer un endroit où puisse se dire, comme on peint une icône, c’est-à-dire en la transfigurant, la souffrance de ceux qui souffrent et la souffrance de ceux qui soignent pour qu’elle soit magnifiée, qu’en soit vue la portée, qu’en soit révélée la lumière. Pouvoir se positionner de façon à se laisser traverser par ce qui nous touche et le laisser émerger dans les mots comme lorsque l’on contemple une œuvre d’art, et qu’on retrace, que l’on restitue, le dialogue qu’elle entame avec nous.

 

J’éprouve aujourd’hui le besoin de remettre mon travail de poète au centre, ou au service, comme un regard qui opère une transformation, qui accompagne, et qui soutient. Qui porte « par son souffle » comme vous le dites si bien.

 

 Nathalie Picard. Kinésithérapeute et Poète. Au Pré le 6 avril 2021