À LA FAÇON DES ANCIENS DE L’ORIENT
Comment m’imaginer en ce jour de rentrée que l’écho des mots du poème lu par Delphine pourrait bizarrement m’emporter sur les rives triviales du jardin de mes pensées ?
Le jardin de mes rêves est organisé d’une façon artistique, avec soin, à la façon des Anciens de l’Orient tel que dans mes livres de chevet.
Tout d’abord j’ai pioché, j’ai éradiqué ce que j’appelle mauvaises herbes, j’ai déraciné, enlevé les radicelles, j’ai remué mottes de terre et cailloux, j’ai bêché.
Et j’ai planté comme des souvenirs de bordures, d’allées, d’arbustes, d’arbrisseaux, de massifs, peut-être une espèce de labyrinthe ; j’ai arrosé, j’ai laissé faire le ciel et le soleil et la lune, j’ai arrosé en vue d’exécuter l’image d’un tableau des Jardins suspendus de Babylone ….
Et puis, j’ai tout abandonné radicalement au peuple des champs et des bois.
Est-ce là une métaphore de ma vie ?
Denise, 3 septembre 2016
À LA PAGE
Je pense à l’opacité du blanc face à la transparence qui laisserait voir toutes choses. Et quand j’y pense j’entrevois une feuille cachée dans une bibliothèque de plis. Une feuille qui garde ouvert son arrière, son avant et son autour. Je pense à cette feuille en forme d’amande calme et silencieuse. En son centre lumineux, la page blanche qui, persistant, devient noire, auréolée, comme un trou dans l’abîme même. La page, unique signe, se tord par la force des graines germant en ses fibres, pleine de ce qu’on ne sait pas mais qui s’y meut. Je pense à cette page lisse et vide face à ce que l’on croit plein. Et quand j’y pense, je sais que c’est difficile. Le visible n’est pas ce que l’on croit. L’absence, le trois-fois-rien sont-ils ? Le vide appelle le plein. Où le laisse-t-il glisser ? La page, tendue comme une toile, paraît un obstacle. Mais quand on la regarde dans le blanc des yeux et qu’on laisse courir le stylo un savoir se rend à l’évidence. Et elle n’est pas seule. Traversée et traversante, elle se renouvelle. Il me plaît de penser que, reliés, chacun, de page en page, nous formons un immense chapelet autour de la terre. Un collier d’étoiles et de marque-page.
Céline, 10 novembre 2018
IL ME FAUDRAIT UN JARDIN ZEN
Il me faudrait un jardin zen !
Pierres !
Il me faudrait des gravillons !
Plomb !
Il me faudrait un buis sombre !
Ciseaux !
Il me faudrait un petit arbre en hiver !
Feuilles !
Seul l’impalpable ciel m’entraîne dans sa vie palpitante ou désertique.
Seule son immensité me fait enfourcher un cheval ailé.
Seule la mer mouvante des nuages m’emmène vers d’autres univers.
Ciel, tu me parles de la Vie à travers les rayons multicolores du soleil.
Ciel, tu es ma voûte mystérieuse.
Ton voile changeant s’élève
au-dessus de ce monde qui m’indiffère,
au-dessus de mon jardin de pierres.
Monique, 25 février 2017
DANS MON CARTABLE IL Y A
Dans mon cartable, il y a des mots vides, des têtes vides, des tiroirs vides, des oublis, des traces effacées, des blancs. C’est avec ça que j’apprends à parler lorsque je suis enfant. Je ne connais pas le mot peur, parce que tout était là avant. Je ne connais pas le mot guerre qui est inscrit sur mon front car je ne sais pas lire dans le miroir. Le mot grégaire fait partie de moi. Mon quotidien emmailloté par une ficelle de saucisson essaie de me faire croire que je ne vais pas perdre ma substance alors qu’on est déjà là à me trouer la peau au moindre questionnement du regard.
Dans ma tête, il y a du vide avec lequel j’attire à moi le vide ambiant et tout ce qui traîne par là comme un aspirateur avale la poussière. Cela s’organise pour faire de moi un être pensant, vivant, habile, capable d’articuler quelques phonèmes ; d’y croire.
Dans ma tête une question.
Delphine, 3 mars 2018
LES LARMES DE LA CONSCIENCE
Je voulais
Mais, ne pouvais pas
Je croyais savoir
Et, ne savais pas
A cet instant !
J’ai compris
Mon estomac s’est serré
Les larmes montaient
Ma voix s’étouffait
De mes yeux, les larmes ont surgi
A ce moment !
J’ai pris conscience
Qu’il me fallait travailler
Encore et encore
Je pensais que c’était simple
Mais non !
Le doute s’est installé
L’émotion m’a submergée
Froid dedans
Mains moites
Transpiration
Fuir les regards
Pour ne pas laisser
Voir le visage
Qui, se crispe, se défait
Souffle court
Se répéter
Ne pas laisser paraître
Ne pas laisser voir
Trop fortes, sont les sensations
La source des larmes
Des yeux jaillit
Inonde ce visage
Triste et fermé
Morwena, 26 février 2017
FlOCON BLANC DE LA PAMPA
Flocons blancs cotonneux dans la pampa
Sapins recouverts plus loin beaucoup plus loin
des craquements
Respire respire
Le ciel est d’encre et de vermeil
et les pétales des roses sur les nappes blanches
aux assiettes sur assiettes
aux mets mitonnés des plats des plus loin que les temps
Et les rires sont lumières
et balancent les p’tites flammes
à l’accueil des mystères
qui s’élèvent entre les lèvres
au chant des contrées lointaines
et des naissances sous le gel
qui craque craque
Julia, 10 décembre 2016